passage piéton

Les Beatles. Si l’on omet le cas Frank Michael, quasi surnaturel, et ça
rime, Les Beatles sont, et resteront (ceci n’est en aucun cas une prévision
Elisabeth Tessier mais plutôt un simple trait de bon sens) les musiciens
les plus connus et reconnus du XXème siècle.

Une carrière à faire pâlir de jalousie n’importe quel artiste, une œuvre
discographique panthéonesque, foisonnante d’idées qui donneront
naissance aux genres musicaux développés les années suivantes.
Helter Skelter ne fut-il pas, avec ses guitares saturées et sa voix
presqu’éructée, la première chanson hard rock, Tomorrow Never
Knows
et sa boucle rythmique hypnotique, le premier titre techno ?

A la fin des sixties, les petits gars de Liverpool, comme Gainsbourg
les appelait dans son hit Qui est In, Qui est Out, vivaient comme maris
& femmes depuis une dizaine d’années. Les tensions s’accumulaient,
Lennon se perdait dans le LSD, la gestion de l’après Sgt Pepper
(admirable pierre angulaire de la pop psychédélique et réponse sans
appel du groupe à la presse qui les pensaient finis (imaginons ici les
visages livides des plumitifs lors de l’écoute, au choix, d’A Day In
The Life
ou de Lucy In The Sky With Diamonds…)) se révélait ardue.

Pire, le dénigrement critique de leur film Magical Mystery Tour entamait
leur confiance, et la passion dévorante de John pour Yoko Ono, présente
à toutes les sessions d’enregistrement depuis le premier jour de la
confection du Double Blanc, exaspérait les trois autres scarabées.

Le film Let It Be, témoignage de l’enregistrement de l’album du même
nom traduit bien ces malaises au sein du groupe. Il sortira après Abbey
Road
, mais ce dernier n’en demeure pas moins l’effort final des Beatles,
enregistré dans les désormais mythiques studios londoniens du même
nom, ou les quatre garçons dans le vent se réunirent une ultime fois
à la demande de George Martin en 1969.

Mélancolique, aux harmonies polyphoniques très riches, Abbey Road
débute par une chanson bluesy, le hit Come Together de Lennon,
dont le titre fut inspiré par le slogan « Come together, join the party »
du gourou du LSD Timothy Leary pour sa campagne de gouverneur
en Californie.

Il est suivi de la plus belle composition de George Harrison, Something,
une magnifique chanson d’amour aux arrangements subtils et profonds.
George prouvait une fois de plus qu’il était l’égal des deux compositeurs
principaux du groupe.

Maxwell’s Silver Hammer, chanson typique de Mc Cartney lui succède,
faisant appel au synthétiseur Moog, un tout nouvel instrument encore
très peu utilisé à l’époque. Un des titres haït par Lennon, qui lui fera
déclarer dans Playboy des années plus tard :

« je la déteste… il nous l’a fait répéter un million de fois. Il a tout tenté
pour en faire un single et ça n’en a jamais été un et ça n’aurait jamais
pu en être un… on a dépensé plus d’argent sur cette chanson que sur
n’importe laquelle des autres de l’album. »

Oh! Darling, le titre suivant, est aussi une composition de Paul, qu’il
chante de façon magistrale, prouvant une fois de plus qu’au-delà de
ses talents de mélodiste il est aussi un incroyable chanteur rock. John,
surement un peu jaloux, pensait qu’il l’aurait bien mieux chanté que
son acolyte, prétextant qu’elle était plus de son registre : à l’écoute,
on se dit pourtant que personne n’aurait pu mieux l’interpréter que
Macca, tant sa voix est chargée d’émotion, faisant éclater le cliché
John-le-rocker / Paul-le-gentil-chanteur-pop.

Octopus’ Garden est chantée et écrite par Ringo, et s’avère une chanson
spontanée et gaie, dans la veine d’un Yellow Submarine, certainement
la plus belle réussite du batteur.

La face A de l’album s’achève avec l’un des titres les plus complexes
enregistrés par les Beatles, I Want You (She’s So Heavy) qui subit une
multitude de changements de tempos, sur un riff lourd et sombre de
Lennon, appuyé par un chorus de synthé moog, des guitares de George
et John, et de nombreux overdubs. La partie basique de la chanson a
été enregistrée 35 fois avant de subir ces changements. Au moment
de finaliser les dernières touches de la face A de l’album et à l’écoute
du mix final du titre, John dit « Ici ! coupe le morceau ici ». Geoff Emerick
s’exécuta, et ce fut la fin (abrupte) de la face A.

La face B d’Abbey Road commence par la seconde composition d’Harrison,
Here Comes the Sun, qu’il composa dans son jardin une journée ensoleillée
d’été aux côtés de son ami Eric Clapton, ce qui lui confère cet aspect léger
et brillant, appuyé par les arrangements de cordes toujours bien sentis
de George Martin.

Because est un interlude s’éloignant de la classique structure des morceaux
pop de l’époque, sans rythmique, aux chœurs très travaillés, plaqués sur
une lancinante mélodie d’ harpsichord électrique joué par George Martin,
un véritable travail d’orfèvre musical.

La suite de la face B de l’album est composé d’un medley de plusieurs
titres inachevés, fantastiquement liés les uns aux autres, et qui forme une
mini symphonie pop des plus réussies.

You Never Give Me Your Money, Sun King, Mean Mr. Mustard, Polythene
Pam
, She Came In Through The Bathroom Window, Golden Slumbers et
Carry That Weight forment un splendide collage qui n’apparait jamais
poussif ou artificiel, bien au contraire.

C’est le court The End qui clôt faussement ce qui restera l’album le plus
abouti de la musique pop, car se trouve après un blanc de quelques
secondes un autre mini titre de 23 secondes, caché celui la, Her Majesty,
qui évoque la reine d’angleterre d’une bien curieuse façon :

Her Majesty is a pretty nice girl
but she doesn’t have a lot to say
Her Majesty is a pretty nice girl
but she changes from day to day
I’m gonna tell her that I love her a lot
but I gotta get a belly full of wine
Her Majesty is a pretty nice girl
someday I’m gonna make her mine
oh yeah, someday I’m gonna make her mine.

C’est une chanson de Paul qui ne souhaitait pas la voir figurer dans le
medley final. L’ingénieur du son chargé de la supprimer préféra la déplacer
à la fin de la face B après un long blanc, et Mc Cartney trouva l’astuce
amusante et le rendu intéressant.

Elle ajoute une note ironique et légère à l’ensemble, en contrastant
avec la grandiloquence et le sérieux de The End, dont les derniers vers
d’une magnifique simplicité résument, en une sorte de maxime, la vie
et l’aventure des Beatles et au-delà, une sorte de règle universelle sur
l’amour.

« And in the end,
the love you take
is equal to the love

you make. »

pochette d'abbey road

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Comments

2 Responses to “passage piéton”
  1. mbfcs2 dit :

    Très bon article. Ça vaut une Story des Guns.

  2. Axl dit :

    rigole toi, le rockaire

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